«Nous n’oublierons pas!» : lettre ouverte au Président Sarkozy
Monsieur le Président,
Les citoyens français vous ont élu sur la foi et la sincérité d’un programme politique dont vous n’avez pas respecté les engagements et auquel vous avez maintes fois tourné le dos depuis votre élection, le 6 mai 2007.
Aujourd’hui vous vous présentez une nouvelle fois au suffrage du peuple français et vous menez une campagne reposant sur une double imposture : la promesse d’une nouvelle rupture et l’oubli de votre bilan. Bien plus, vous utilisez les services de l’État au bénéfice de votre campagne et vous n’hésitez pas à exploiter les événements politiques, économiques et sociaux à des fins électoralistes et avec le soutien de nombreux médias qui propagent une insidieuse politique de la peur sur laquelle vous espérer bâtir une popularité.
Cette lettre citoyenne entend simplement vous rappeler les trop nombreux engagements que vous n’avez pas tenus.
Vous aviez promis en 2007 de maintenir le droit à la retraite à 60 ans : vous l’avez repoussé autoritairement à 62 ans, contre l’avis de la majorité des Français et au terme du plus long conflit social que la France ait connu depuis très longtemps.Nous n’oublierons pas !
Vous avez souhaité dans vos propositions que « la formation initiale des enseignants soit assurée » : votre réforme a supprimé l’année de stage et conduit des milliers de jeunes enseignants non formés à exercer devant des élèves désemparés. Nous n’oublierons pas !
Vous avez voulu réformer en profondeur l’université et la recherche et vous prétendez que cette réforme est le succès de votre quinquennat : les milliards promis ne sont jamais arrivés et de nombreux établissements de l’Enseignement supérieur sont aujourd’hui en déficit tandis que les organismes de recherche sont démantelés. Nous n’oublierons pas !
Vous avez promis de « préserver l’excellence de notre système de santé » et d’«améliorer les conditions de travail des professionnels de la santé ». Vous avez fait fermer des hôpitaux et des maternités, créé des déserts médicaux dans de nombreuses régions, supprimé des dizaines de milliers de postes de personnels de santé et détérioré gravement l’accès aux soins de millions de français. Nous n’oublierons pas !
Vous vous êtes engagé à « veiller rigoureusement à l’indépendance de la justice » : les nombreuses affaires en cours montrent crument l’exercice d’un pouvoir qui tend à privatiser la justice au service d’intérêts financiers, personnels ou politiques, et qui contrevient gravement au principe d’indépendance dont votre fonction vous fait pourtant le garant. Vos gouvernements successifs ont enfreint sous votre autorité l’Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que la loi « doit être la même pour tous ». Nous n’oublierons pas !
Votre politique a ainsi ébranlé les trois socles de la République française : la Sécurité sociale, l’École et la Justice. Nous n’oublierons pas !
Au chapitre des Droits de l’Homme vous aviez promis à vos compatriotes de « franchir de nouvelles étapes dans la préservation et la conquête des libertés ». Les seules étapes que vous avez fait franchir à la société française constituent une inadmissible régression des Droits de l’Homme : votre politique sécuritaire et d’immigration, en flattant les idéologies d’extrême droite et en avivant les haines comme les peurs, a porté non seulement atteinte dans son application aux libertés démocratiques fondamentales, mais aussi aux principes intangibles des grands textes fondateurs de notre histoire, et que votre volonté politique a travaillé à déconstruire et à mettre en péril : La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, la loi de 1905, les valeurs issues du Conseil National de la Résistance. Nous n’oublierons pas !
Sous votre présidence plusieurs ministres condamnés ou mis en cause dans des procédures ou des informations judicaires, ont continué impunément à exercer leurs fonctions alors que dans toute démocratie digne de ce nom ils auraient dû se mettre en retrait. Vous avez ainsi contribué à l’abaissement moral de la politique en la soumettant, soit à une idéologie condamnable, soit aux intérêts d’une oligarchie financière et d’un clan. Nous n’oublierons pas !
Aveuglé par votre hyperprésidence et votre conduite autoritaire des affaires de l’Etat, vous avez dévalorisé le rôle du gouvernement et du Parlement. En refusant obstinément de vous mettre à l’écoute des citoyens, en méprisant les associations et les organisations syndicales, vous avez délité les liens sociaux et provoqué une crise démocratique et institutionnelle sans précédent dont vous portez l’entière responsabilité. Responsabilité encore aggravée par le choix de la provoquer en une période de grave crise économique et financière, crise que vous exploitez et que votre politique alimente en choisissant d’accabler les plus pauvres et en ne cessant d’enrichir la classe des Français les plus aisés. En cinq années d’exercice de votre pouvoir, vos gouvernements ont considérablement aggravé les inégalités sociales et économiques. Nous n’oublierons pas !
Enfin, vous avez adopté à de multiples reprises un comportement public et fait des choix politiques qui ont rabaissé la fonction présidentielle ainsi que l’image, la culture et les valeurs de la France en Europe et dans le monde. Nous n’oublierons pas !
Pour toutes ces raisons, en allant voter les 22 avril et 6 mai prochains, nous n’oublierons pas que vous avez brisé le contrat social et politique qui vous unissait à nous. Vous avez perdu toute crédibilité.
Il est temps, Monsieur le Président, que vous redeveniez un citoyen et un justiciable ordinaires.
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